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Biopunk never die !
Si vous voulez mon avis, les artbooks narratifs sont bien trop rare. C’est un format que nous affectionnons tout particulièrement chez Geek-Art, qui permet de faire la part belle à l’image tout en proposant une autre forme de narration que la sequentialité de la bande-dessinée. On est bien souvent face à des histoire où l’ambiance est reine et les décors à couper le soufle. Nous vous avions déjà parlé en long et en large des oeuvres fascinantes de Simon Stalenhag et des livres Fall of Gods du studio danois Mood.
Mais aujourd’hui, c’est un projet de biopunk qui nous intéresse : KIN – Mycocene. Développé par le studio nippo-français Junglecrow, cet incroyable artbook narratif est composé de 120 pages pour vous plonger dans un monde de science-fiction unique en son genre. Ce projet a été financé sur Kickstarter et nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions à l’un des fondateurs du studio : Antoine Perrin.
1/ Est-ce que tu peux te présenter et nous parler de Junglecrow Studio ?
Je m’appelle Antoine Perrin et j’habite au Japon depuis 2009. À la base je travaillais plus dans l’art contemporain et j’ai notamment travaillé dans une galerie japonaise pendant 4 ans. Après ça, je suis doucement revenu à ma passion autour de l’illustration. J’avais organisé plusieurs expositions avec des artistes français et belges lorsque j’étais étudiant ici à Tokyo. En 2014, j’ai intégré une Art House à Tokyo dans laquelle je suis toujours.
Junglecrow est un groupe de créatifs composé de Français et de Japonais avec de l’expérience dans le monde du divertissement : cinéma, jeux vidéos, animation, direction artistique de livre illustré. Ce qui nous a motivé pour tous nous mettre ensemble c’est de travailler autour de la création d’univers. Nous travaillons notamment sur des livres illustrés et Kin est notre première création maison.
2/ Comment est né ce studio ?
J’avais déjà pu travailler sur différents projets de livres avec Klaus Pillon qui est lui basé en France. C’est vers l’automne 2018 que l’idée de monter une équipe créative a commencé à germer, une équipe pour travailler sur de la création d’univers. J’en ai parlé à plusieurs de mes collègues japonais à la Art House et beaucoup ont vite été emballé par l’idée. De son côté, Klaus a ramené Pierre Lazarevic dans l’aventure.
3 / Est-ce que tu peux nous parler un peu plus de votre artbook KIN – Mycocene actuellement sur Kickstarter ? Comment a commencé ce projet ?
Personnellement, j’ai toujours été fan d’illustrations, de science-fiction et de toute la philosophie qui l’accompagnait. Pendant des années, j’ai pris des notes, compilant des idées et des inspirations. C’est avec le studio que l’on a commencé à regarder là-dedans, à faire du tri pour émerger avec une idée qui est maintenant devenue l’univers de Kin.
On a eu des discussions autour du transhumanisme, même si nous ne le sommes pas personnellement, une réflexion profonde sur le changement climatique et ce que l’on va devenir sur Terre. C’est un thème qui est actuel dans la science-fiction depuis une dizaine d’années, même si Frank Herbert abordait déjà le sujet dans les années 60 avec l ‘univers de Dune. On a donc voulu un univers pour englober tout ça tout en gardant une nouvelle approche. C’est comme ça que Kin est né, avec énormément de discussion tous ensemble.

Kin, c’est un livre illustré de science-fiction biopunk. On s’intéressait au début au cyberpunk, mais c’est un courant qui devient de moins en moins spéculatif, de plus en plus actuel. On a notamment été inspiré par les idées d’Alain Damasio et cela nous a poussé à aller chercher des idées encore plus loin, comme si on essayait d’aller chercher l’après du cyberpunk. On est allé vers le biomimétisme, la micro informatique et on s’est aperçu que plusieurs lignes d’inspirations convergaient vers le biopunk. C’est une conception large mais qui apporte un paradigme différent. Comme dirait Alain Damasio, on passe du paradigme de l’ordinateur à celui de la cellule.
4 / En termes de processus créatif, comment fonctionnez-vous tous ensemble ?
Il y a beaucoup de brainstorming tous ensemble toutes les semaines, souvent après le boulot autour d’une bière. C’est le moment où l’on peut décompresser et partager les films que l’on a vu dans la semaine, les livres que l’on a lus, partager nos idées et intégrer tout ça dans notre création. Le processus pour trouver des idées se fait vraiment tous ensemble de façon très organique.
Au niveau de l’histoire pure, c’est un de mes collègues japonais, qui avait déjà travaillé sur plusieurs scénarios pour le cinéma, qui a pris en main le fait d’écrire l’histoire principale.On donne tous notre avis dessus, toujours de manière organique, mais c’est lui qui principalement s’occupe de coucher ça sur le papier derrière.
Pour ce qui est du world building et du créatif, tout le monde travaille dessus. J’avais travaillé en amont sur des références et des moodboards pour les personnages et l’environnement. Klaus et Pierre de leur côté ont pas mal bossé sur les personnages, les aspects technologiques et les props de l’univers. On se donnait des directives aussi bien à l’oral qu’en dessinant. Pour donner une idée, on a passé plus de 1000h à travailler sur les concepts et plus de 1000h à réaliser les illustrations. Et probablement le même temps pour brainstormer tous ensemble.
D’un point de vue technique, on a essayé de travailler avec tous les outils technologiques modernes du concept art, pour se donner le plus de moyens de réaliser cet univers. On a créé par exemple presque toutes les scènes en 3D pour nous permettre de nous y rendre avec nos casques Oculus en VR. Comme au cinéma, on cherchait ensuite les meilleurs angles pour trouver la scène finale que l’on allait représenter dans le livre. On se basait pour ça sur les storyboards de Klaus et on finissait généralement par utiliser Blender comme une caméra sur les scènes.
La VR est vraiment utile pour nous car elle nous permet d’être un ou deux directement dans les scènes et de pouvoir les travailler en même temps. Par exemple, une des scènes comporte une termitière géante. Pour la créer, on a commencé par un gros bloc en 3D que l’on a ensuite virtuellement creusé en étant en VR, jusqu’à avoir le rendu que l’on souhaitait.
5/ Pourquoi un artbook narratif plutôt qu’un autre projet ?
Plus jeune, j’ai été fasciné par les livres Dinotopia de James Gurney qui ont été une grosse claque pour moi. Je n’ai jamais vraiment arrêté de me demander pourquoi il n’y avait pas plus de livres comme ça. On en trouve un peu avec la série Fall of Gods de Mood et bien sûr avec les œuvres de Simon Stalenhag.
Nous avons commencé à créer tout l’univers de Kin en restant le plus ouvert possible, sans se concentrer sur un médium en particulier mais l’artbook est vite apparu comme une évidence pour commencer.
6/ Pourquoi avoir choisi de faire un crowdfunding ?
Nous sommes basé au Japon, à Tokyo et c’était difficile de concevoir une maison d’édition intéressée par un projet comme le nôtre. On a tous bossé sur de nombreux projets mais sans pouvoir vraiment en parler ou ajouter ça au projet on va dire. Du coup, c’était assez difficile d’envisager de trouver un éditeur ici prêt à investir de l’argent là-dedans.
Globalement, le concept art n’a pas la même visibilité ici qu’en Europe ou aux États-Unis. Ca se voit par exemple avec Hideo Kojima qui a fini par quitter Konami et qui s’inspire et travaille avec de nombreux concept artistes occidentaux.
Le crowdfunding était l’outil parfait pour nous pour faire connaître le projet ici, mais aussi dans le monde entier tout en gardant le contrôle créatif.
7/ Vous avez déjà des idées de projets futurs pour cet univers ?
Plein, trop ! Avec plus 3000 heures de travail et de recherches, on a une bible narrative et des moodboards que l’on pourrait utiliser pour tous les supports : jeu de rôle, jeux vidéos, cinéma…. On a par exemple suffisamment d’idées pour faire encore deux autres artbooks narratifs dans le même univers.
8/ Quelles ont été vos sources d’inspiration lors de la construction de l’univers de KIN ?
En dehors de ce qu’on a déjà dit, je voulais vraiment qu’on sorte du récit héroique traditionnel de Joseph Campbell, dont Georges Lucas s’est bien inspiré. Bien sûr on y trouve des idées, mais on voulait changer la structure narrative que l’on connaît tous et à laquelle nous sommes habitués depuis tout jeune.
Ursula le Guin et son livre “The Carrier Bag Theory of Fiction” a été une grande inspiration par exemple. C’est un texte où elle explique son presque dégoût pour ces grands récits héroïques avec des mecs costauds qui tuent des dragons. Elle parle de changer le paradigme de la “killer story” vers la “life story”, remplacer l’épée et sa forme phallique par un sac pour récolter des graines.
Dan Harmon a aussi été une grande inspiration dans sa manière de décortiquer et recomposer le hero’s journey, il a plus ou moins réussi à en faire un simple outil sans côté idéologique. On voulait plutôt savoir comment les gens et le reste de la vie sur Terre créent des liens entre eux, comment l’on vit tous ensemble sur cette planète aujourd’hui et surtout demain.
9/ Est ce que le mélange culturel de l’équipe a eu une influence sur la création de l’univers de Kin ?
Oui et non. Chacun à apporter ses références bien sur mais nous avons réussi à trouver les lignes de convergences dans tout cet ensemble.
J’ai apporté beaucoup de réflexion et de références autour du transhumanisme et de la biotechnologie au groupe, notamment avec le travail du généticien George Church et son livre “Regenesis”. Il y énonce toutes les possibilités de la biotechnologie avec les connaissances disponibles en 2010. Ce travail a été une vraie mine d’inspiration pour tout le projet. Il y a aussi les textes de la penseuse Donna Haraway ou bien la trilogie MaddAdam de Margaret Atwood. Ça, ça serait plus pour les influences américaines du projet on va dire.
Mais collègues japonais avaient des fortes références de science-fiction japonaise avec Akira, Ghost in the Shell, les mangas et l’animation de manière générale.
10/ Quels conseils donnerais-tu à de jeunes talents voulant se lancer dans une aventure artistique comme la vôtre ?
Pour des projets comme Kin, je dirais qu’il faut se trouver des âmes sœurs créatives, trouver le même univers et se faire confiance. Il faut aussi se donner le temps. Kin représente déjà 3 ans de travail par exemple. Et surtout, tant qu’on est convaincu soit même, il ne faut pas hésiter. Il faut impliquer le plus de monde possible au projet, cela permet de faire des choses plus complexes et plus intéressantes. Par exemple, je n’aurais jamais tout imaginé comme ça pour Kin, et c’est mille fois mieux que ce à quoi je pensais. Je trouve que ce que l’on a fait tous ensemble est bien plus original et captivant que ce que l’on aurait pu faire chacun en solo.
Les Réseaux de Junglecrow
2 Comments
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