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Voyage en Terre Fantastique
C’est en tombant sur leur livre Onibi que j’ai commencé à m’intéresser de plus en plus au travail de l’Atelier Sentô. Derrière ce nom ,en référence au bain public japonais qu’ils reveraient de réhabilité en atelier ou librairie, se cache Cécile et Oliver, tous deux artistes inspirés par la culture japonaise. Ils ont bien voulu prendre de leur temps pour répondre à toutes nos questions autour de leur travail, de leurs inspirations et bien d’autres choses. Il temps de pousser la porte de leur atelier et découvrir l’envers du décors avec nous.
Bonjour Cécile et Olivier. Pouvez-vous nous parler un peu de vous, votre parcours et de ce qui vous a poussé à choisir l’art comme carrière ?
Aussi loin qu’on se souvienne nous avons toujours eu envie de raconter des histoires et nos toutes premières bande dessinées ou histoires illustrées remontent à notre enfance. Nous avons grandi dans un monde de livres, cinéma et jeux vidéo si bien que c’est naturellement que nous nous sommes familiarisé avec ces médias et que nous les avons apprivoisés à notre façon. Olivier a passé un DEA d’arts plastiques et moi une licence de japonais à l’université de Bordeaux.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l’histoire de votre duo ?
Nous nous sommes rencontré dans un petit festival de culture japonaise, dans une petite salle d’une petite ville avec une ambiance très familiale. On participait chacun à un fanzine. Notre intérêt commun pour le Japon et pour la bande-dessinée nous a donné très tôt l’envie de travailler ensemble. À l’occasion d’un échange universitaire en master, on a pu passer une année à Niigata, dans la campagne japonaise. C’est à notre retour que nous avons décidé de réaliser des projets à 4 mains inspirés par nos différents séjours au Japon.
Comment vous décririez-vous en tant qu’artiste ? Quelle est votre philosophie sur l’art ?
Nous n’avons pas de grandes idées philosophiques sur l’art mais en ce qui nous concerne, nous essayons de suivre 2 règles :
– faire des choses qui nous plaisent vraiment
– faire notre maximum pour partager cela avec le public
Ainsi, nous ne travaillons que sur des projets qui nous tiennent à cœur, nous acceptons rarement les commandes, et nous sommes constamment à la recherche de la façon dont nous pouvons transmettre au mieux les émotions et les histoires que nous voulons raconter. Si un lecteur est ému en lisant une de nos pages de BD, c’est une grande victoire pour nous.
Vous travaillez sur différentes formes de médium, pour faire des illustrations, du jeu vidéo, des couvertures de livres et bien entendu de la BD. Et pourtant, cela donne l’impression que toutes vos créations font partie du même univers. Est-ce que c’est voulu de votre part ?
Oui et non. Nous ne nous imposons pas de limite dans la création de notre univers. Pour autant, nous n’allons jamais nous lancer dans une histoire qui ne nous correspond pas. C’est peut-être ce qui donne une unité à tout ce que nous produisons.
Le travail à quatre mains est quelque chose que je trouve fascinant lorsqu’il est aussi bien exécuté que ce que vous faites. Est-ce que vous avez une façon particulière de travailler ?
Cela dépend des projets. Pour nos jeux vidéo, Olivier se charge de la programmation, des décors et du scénario tandis que je m’occupe des animations des personnages et de la musique. En BD, Olivier écrit l’histoire, je fais le storyboard et le crayonné puis il fait l’encrage et la couleur. C’est un va-et-vient qui permet un mélange de nos 2 styles de dessin et qui donne un résultat que nous aimons croire unique et propre à l’Atelier Sentô. Il n’y a pas de règle fixe, quand on démarre un projet, on réfléchit à ce que chacun peut apporter avec ses compétences et nous nous répartissons naturellement les tâches.
Vous avez une technique assez unique, mélangeant aquarelles, gravure et crayons de couleur. Quel rapport entretenez-vous avec l’utilisation de ces techniques et matières ?
Nous sommes curieux de toutes les techniques existantes mais nous allons naturellement vers les techniques les moins onéreuses. C’est probablement ce qui nous pousse à nous pencher sur des médium plutôt manuels et moins vers le numérique qui nécessite un plus grand investissement. On aime aussi pouvoir transporter facilement notre matériel en voyage et dessiner quand on le veut, c’est pourquoi nous aimons particulièrement l’aquarelle. On glisse toujours notre boîte et nos pinceaux dans le sac avant une balade.
Votre dernière parution BD, “La fête des ombres” se déroule au Japon. On va y découvrir des âmes errantes guidées par les vivants au cours d’une cérémonie populaire. Vous mettez en avant la relation entre les défunts, les esprits et le monde des vivants dans ce récit de façon magistrale. Est-ce que vous pouvez revenir avec nous sur la genèse de ce projet ?
Quand les Éditions Issekinicho nous ont proposé de travailler avec eux sur un nouveau livre (ils avaient édité notre première BD Onibi en 2016), nous avions envie d’une histoire romantique dans laquelle nous pourrions une fois de plus jouer sur la limite ténue entre le quotidien et le surnaturel. Le Japon s’est naturellement imposé comme décor car c’est le seul que nous connaissons où cette frontière est si floue. C’est comme cela qu’est né le personnage de Naoko, une jeune femme un peu rêveuse, et de l’ombre mystérieuse dont elle a la charge, le fantôme d’un homme ayant tout oublié de sa vie passée. Au fil des saisons, ils vont apprendre à se connaître.
Avec cette œuvre, ainsi qu’avec la précédente “Onibi”, vous montrez un Japon à l’équilibre entre deux mondes. Qu’est-ce qui vous parle dans ce mélange de modernité et de tradition et comment cela influence-t-il votre art ?
Je ne sais pas si on peut parler de tradition et modernité. Il s’agit plutôt du sentiment que le fantastique et le mystérieux peuvent intervenir à tout moment dans le quotidien. Ils font même partie intégrante de la vie de tous les jours. Nous aimons la façon dont ces histoires teintent le monde environnant d’imaginaire lorsqu’on est au Japon et y ajoutent un petit frisson. Certains récits sont drôles, d’autres sont à glacer le sang.
Quels sont les artistes qui vous inspirent le plus ?
Nous tirons essentiellement notre inspiration des souvenirs de nos séjours au Japon. Mais bien sûr, nous sommes influencés par tous les produits culturels que nous consommons depuis toujours. Aussi, il nous est difficile de savoir chez quel auteur nous puisons le plus d’inspiration… Nous dessinons en écoutant de la musique qui va parfois accompagner l’atmosphère de nos histoires. Quelques albums que nous écoutons régulièrement pour dessiner ou écrire : Kveikur de Sigur Rós, Ghost in the Shell de Kenji Kawai, Coule de tAk, Atlantique de Fatima Al Qadiri, Twin Peaks d’Angelo Badalamenti, Voices de Vangelis, Cluster & Eno et d’autres albums aux sonorités envoûtantes… Beaucoup de musiques de films.
Quels sont vos projets en cours… Et les projets futurs ?
Nous travaillons actuellement sur le tome 2 de La Fête des Ombres qui conclura ce dyptique, à sortir en octobre prochain. Nous avons aussi scénarisé Le Songe du Corbeau un roman graphique avec l’artiste espagnol Alberto M.C au dessin. Un thriller psychologique dans le Japon contemporain avec des pages tout à l’aquarelle et une histoire très sombre. En parallèle de nos projets BD, nous travaillons depuis plusieurs année sur The Coral Cave, un jeu vidéo d’aventure à l’aquarelle qui se déroule sur une île imaginaire d’Okinawa.
Pour finir, est-ce que vous auriez un conseil à donner pour de jeunes artistes souhaitant suivre votre parcours ?
Je ne sais pas si ce sont de bons conseils, mais c’est le chemin que nous nous efforçons de suivre : ne travailler que sur des projets qui nous plaisent vraiment, aller de l’avant sans se poser trop de questions et sans se comparer aux autres et enfin, s’inspirer de la réalité qui nous entoure plutôt que de s’inspirer d’autres œuvres déjà existantes pour parvenir à un résultat qui nous correspond vraiment.
En bref:
Votre film d’animation préféré ?
Ghost In The Shell
Votre manga préféré ?
Les Enfants de la mer
Votre jeu-vidéo préféré ?
Machinarium
Encore un immense merci à Cécile et Olivier de nous avoir accordé du temps pour toutes nos questions ! Il ne vous reste plus qu’une seule à faire maintenant, vous plongez dans leurs différents réseaux sociaux pour y découvrir ton leur talent !