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Bones and Prints
Une autre de mes passions, en dehors de tout ce qui touche à la pop culture, est le tatouage. Je dessine comme un pied mais je prends un malin plaisir à admirer le travail de tatoueurs ayant un style à part, et à collectioner les tatouages sur ma peau. Alors quand on tombe sur un artiste aussi talentueux que Sinpiggyhead qui allie pop culture et tatouage avec virtuosité, je tombe amoureux. Nous avons eu la chance de pouvoir échanger avec lui et voici une plongée dans les inspirations, méthodes de travail et bien d’autres secrets de cet artiste que nous adorons.
Bonjour Nicolas, est-ce que tu pourrais te présenter un peu à nos lecteurs ?
Bonjour, donc je m’appelle Nicolas, 34 ans, illustrateur et tatoueur officiant à Paris sous le sobriquet de Sinpiggyhead.
Comment as-tu choisi l’art comme carrière ?
Je dessine depuis que je suis gosse, en apprenant auprès de mes deux grands frères, de ma mère et de ma grand-mère. Et plus globalement en recopiant les personnages de Dragon Ball tous les jours. C’est devenu assez vite une évidence que je ne pouvais pas faire grand chose d’autre de ma vie. Malgré tout, aucune école d’art n’a voulu de moi (la faute à mon dossier scolaire plus que passable) donc après un BAC L chopé de justesse (un bon 11 bien tassé quoi), un DUT de graphisme puis une école de design, j’ai fini par tomber dans le milieu de la publicité. De stagiaire graphiste à DA j’ai décidé de quitter le métier au bout de 10 ans pour me consacrer à 100% au dessin et au tatouage.
Comment te décrirais-tu en tant qu’artiste ? Quelle est ta philosophie sur l’art ?
Alors j’écris “artiste” dans la bio de mon site, mais j’ai toujours trouvé cela pompeux et pas forcément vrai aha. Surtout au regard du travail des autres. Honnêtement, là je préfère me considérer comme un artisan vu que je vends un service (que ce soit en tatouage ou en illustration). J’ai mon petit savoir faire et je bricole des trucs qui me font plaisir et tant mieux si cela plait aux autres. C’est toujours un débat sans fin : Artiste ou pas artiste ? Avoir les chevilles qui enflent ou non ? Chacun à son avis.
En vrai, de mon point de vue, j’essaye de ne pas trop me poser de questions sur mon travail. Je suis le type qui va s’amuser avec ses monstres, ses influences, faire un truc rigolo qui lui plait et voila. Cependant, j’essaye juste de faire ça bien, du mieux que je puisse.
Alors je sais que ce n’est pas forcément une bonne chose, mais j’ai la fâcheuse habitude de me comparer aux autres, de trouver que tout ce qui se fait à côté est bien mieux que mon travail. C’est encore plus vrai avec l’omniprésence des réseaux sociaux. Ce n’est pas de la compétition, mais au moins ça me permet de garder les pieds sur terre et de continuer à travailler et à essayer de faire mieux à chaque fois.
Comme dit kame sennin “il y aura toujours quelqu’un de plus fort que toi” ou un truc du genre.
Quant à ma philosophie sur l’art, on pourrait en parler des heures avec du vin rouge accoudé à un zinc de bar… Mais là de but en blanc je dirais que l’art doit (ou devrait) inspirer. Quand je vois un tableau, un monument ou que j’écoute une chanson, si ça m’inspire sur un travail ou sur une manière de faire telle ou telle chose c’est banco.
Quelles sont tes principales sources d’inspirations ? On peut sentir l’inspiration des années 90 et des comics dans ton travail et ce n’est pas pour nous déplaire !
En effet, quand on érige Arnold Schwarzenegger en héros absolu, on peut dire que les années 1990 sont le berceau de mes influences. En fait, le cinéma de ces années-là (ainsi que la fin des années 1980) ont très certainement façonné d’une certaine manière ma personnalité. Ca transparaît donc dans mon travail en toute logique. C’est d’ailleurs le fait d’avoir deux grands frères qui a sans doute accéléré mon immersion dans cette culture. Normalement tu ne vois pas Evil Dead tout seul à 5 ans par exemple …
Hors culture cinéma, j’ai eu la chance d’avoir eu une mère prof qui m’a trimballé dans toutes les expos et musées possibles quand j’étais gosse. Même si je ralais la plupart du temps, le fait est qu’on est obligé d’être sur le cul quand on se retrouve nez à nez devant le radeau de la méduse à 5 ou 6 ans. Les musées d’histoires naturelles m’ont d’ailleurs bien sonné. Celui de Paris est ma deuxième maison. Un kink exacerbé grâce (ou à cause) d’un certain Jurassic Park.
Mon père, lui, était médecin et entre deux disques de Pink Floyd me filait des planches de gravures, des encyclopédies anatomiques pour que je puisse comprendre comment s’articule un corps humain. Ma passion pour les écorchés, cabinets de curiosité et autres squelettes vient sans doute de là. Et enfin mes frères m’ont fait tomber dans les comics comme Spawn, Batman et les mangas évidemment avec Dragon Ball et Akira (et bien d’autres).
Tu mets tout ça dans un mixer, un peu d’autoformation et tu obtiens une belle base de travail. A partir de là c’est la somme de toutes les rencontres que je fais qui façonne, sculpte et affine mes inspirations. J’ai pas mal de potes et d’amis proches que je mets sur un piédestal tant leur taff me met à terre et m’inspire. Mais ça, je ne leur dis pas haha.
Tu es un artiste qui mélange les projets et supports, entre illustration classique et tatouage. Peux-tu nous en dire un peu plus sur tes processus créatifs ? Est-ce que tu travailles d’une manière différente lorsque tu prépares une création papier ou lorsque tu prévois un tatouage ?
Mon process est relativement simple et commun lorsqu’il s’agit de commandes en illustration. En principe j’ai un brief (ou un post it dans le pire des cas), cadré qui m’empêche de m’éparpiller. Je bricole un ou plusieurs roughs sur ordi rapido, j’envois au client. On échange le nombre de fois qu’il faut, puis une fois que tout est calé je repars sur du papier et je fais tout à la main. C’est la partie la plus longue en principe (aha). Une fois le dessin traditionnel terminé, je repasse sur ordi pour cleaner le scan, concevoir la mise en page etc. Grosso modo c’est ma manière classique de travailler.
(Alors un détail : bien que je m’aide de références sur ordi ou autre, je fais tout à la main sur papier, armé de mes rotrings. Aussi bien en tattoo qu’en illustration. Je n’arrive pas à passer au 100% numérique pour diverses raisons.)
Pour le tatouage, c’est différent à plusieurs niveaux tout en restant la même chose (aha).
Concrètement, avec le client, une fois le dessin validé, je ne vais pas plus loin que le lining. Je fais le remplissage des ombres directement sur le client sans les avoir préparé sur papier. Ça m’évite de trop surcharger le tattoo et de le rendre trop sombre. Un tatouage doit être lisible et vieillir le mieux possible, or si on l’assombrit trop, si on le complexifie plus que nécessaire ça peut donner un résultat hasardeux des années après. J’ai donc tendance à travailler mes tattoos de manière plus “lumineuse”, avec plus de respiration et un peu moins détaillée que mon boulot habituel sur papier (ce que je ne faisais pas du tout au début). La peau n’est pas un support figé, ça tu l’apprends vite et tu adaptes tes dessins en conséquence.
Enfin concevoir une composition en tattoo est différent d’un dessin papier. Travailler sur un corps c’est pas franchement le même délire. Il faut s’adapter à la morphologie, établir une composition harmonieuse qui soit lisible de loin, de différents angles, etc. C’est super difficile. Concrètement, ce qui fonctionne sur papier ne fonctionnera pas nécessairement en tattoo. Maintenant, j’apprends, je m’adapte et je sens que même mes compos en illustration pure s’améliorent peu à peu via mon apprentissage en tattoo. Les deux domaines se nourrissent et se complètent. Alors je fais genre je suis le daron qui t’explique la vie alors qu’il y a encore quelques mois je ne savais pas tenir une aiguille …
En ce qui concerne mes travaux personnels, là ce n’est plus la même limonade. Le syndrome de la page blanche, aucun brief, le vertige, l’enfer. Cela se solde généralement par un abandon via une procrastination aiguë et ça se termine par une partie de PS4. Mais quand j’y arrive là c’est cool. Et quand ça arrive, c’est généralement grâce à de la veille sur les réseaux, dans mes bouquins ou ailleurs. Je chope une idée, une inspiration et ensuite je tente de la twister avec d’autres choses de mon univers. J’admire réellement les gens qui dessinent tous les jours, qui griffonnent sans arrêts, qui sont turbo disciplinés en te remplissant des pages de carnet avec des études de tel ou tel partie. Ça je ne le fais pas (alors que je devrais) car c’est trop de travail et j’ai pas le niveau ni la patience. Je préfère travailler/dessiner au cas par cas. J’ai une idée, j’y vais à fond sans faire autre chose d’autre et ensuite je passe à autre thème quand c’est fini.
Tu as également pu réaliser les deux couvertures du livre Berserk, a l’encre des ténèbres de Alt 236 pour Third Editions. Comment s’est passée la création de cette couverture pour un monument de la pop culture comme l’est Berserk ?
C’est une histoire bro’ la couv de Berserk <3
Je me rendais à un concert philharmonique de Metal Gear Solid avec mon mécène non-officiel, monsieur Sullivan Rouaud (éditeur chez HiComics et maintenant chez Mangetsu). Entre deux mandales musicales il m’a présenté à l’équipe de Third Editions, notamment Mehdi El Kanafi. Je lui ai laissé ma carte de visite tel un Patrick Bateman fougueux et le lendemain Mehdi m’écrivait pour me proposer le job. J’étais sur le cul, je savais pas comment gérer ça, surtout quand j’ai su quel loustic allait écrire le pavé.
J’étais déjà un bon connaisseur de l’œuvre mais je ne voulais pas tomber dans le fan art bête et méchant. J’ai préféré faire quelque chose qui fasse référence et sens tout en restant dans mon univers et mon style. Vouloir faire du Miura, c’est se tirer une balle dans le pied. J’ai donc suivi mon processus de travail sans trop me poser de questions : faire un truc qui me plait à moi, qui me parle et si ça marche tant mieux. Bon ça a fonctionné apparemment 🙂
Normalement je devais travailler uniquement sur la First print. Mais les messieurs de Third on tellement apprécié cette première couv qu’ils m’ont confié la version regular également (pour être honnête je crois l’avoir un peu quémandé aussi …)
Quelle est ton œuvre favorite dans ton portfolio et pourquoi elle résonne autant en toi ?
J’ai pas pour habitude d’avoir des préférences dans mes taff. Sans mauvaise modestie. Cela dit, il y a des travaux que je préfère à d’autres pour ce qu’ils représentent dans mon parcours. Par exemple, j’ai un vieux dessin maladroit de 2014, en A3 qui est encadré au-dessus de mon bureau. Il est franchement pas top mais il me rappelle le jour où j’ai repris les crayons après les avoir laissé tomber pendant des années. J’encadre également certains de mes prints au shop de tattoo dans lequel je bosse pour avoir une vitrine pour les clients qui passent et parce que mon compère sérigraphe fait un taff monstre.
Mais si je dois jouer le jeu et te donner UN SEUL travail, je dirais sans doute celui pour Berserk justement. Parce qu’il représente le moment où j’ai basculé vers quelque chose de plus sérieux et pro. Ce projet a été un turbo accélérateur dans mon travail, il m’a apporté 80% de ma clientèle tattoo quand j’ai commencé il y a deux ans. C’est énorme ! Et au delà de ça, ce livre m’a fait faire de superbes rencontres : avec ce bon Alt236 et l’équipe de Third. Je leur dois beaucoup !
Quelles sont tes journées typiques en studio ? As-tu des habitudes ou des petites manies dont tu ne pourrais pas te débarrasser ?
En principe je commence ma journée à 10h30. Je m’occupe de mes mails, de la gestion de commandes, je prépare mon dessin du jour et j’attaque mon client à 13h. Après ma session de tattoo, je ne fais plus rien car je suis généralement crevé. Sauf quand je dois rendre une illustration 🙂
Quand je n’ai pas de client, je viens tout de même au shop pour travailler mes dessins.
Quel est ton rapport à la pop culture, entre hier et aujourd’hui ?
Aie c’est la question où je vais passer un vieux con qui dit que c’était mieux avant ?
En ce qui concerne le cinéma blockbuster par exemple, je trouve qu’aujourd’hui les productions ont plus tendance à miser sur la forme, faire quelque chose de suffisamment impactant pour capter l’attention rapidement au détriment d’une vraie écriture. Les grosses productions ressemblent plus à des longues bande annonces YouTube pour que tout le monde puisse mettre son gif cool sur twitter et dire “ouah XD Kong il a mis une patate de forain à Godzilla, trop bien”.
Il y a surtout un recyclage permanent insipide qui fait ressembler ces films à des happy meal. Les majors de cinéma prennent de moins en moins de risques en te ressortant des bouillies insipides vues et revues. Et le pire c’est que quand j’observe les réactions sur les réseaux sociaux ou en parlant avec des gens, tu as le fameux “ohhh ca va, c’est pas pire que X ou Y” il y a un nivellement par le bas de dingue, c’est terrible. Après je m’inclue dedans aussi hein, je nourris également ce système en allant voir des étrons cinématographiques (surement un plaisir malsain irrésolu) et même parfois à en défendre certains (Comme Jurassic World par exemple… je suis bien seul dans ces discussions d’ailleurs).
Évidemment qu’il y a des exceptions et heureusement qu’il existe des Fury Road, des Parasite et bien d’autres. Mais j’aimerais voir plus de choses originales qui différent des licences rincées depuis 30 ans. Je n’ai plus envie de voir un Alien ou un Predator en 2021 par exemple. Laissons mourir nos licences, ç nea sert à rien de les ranimer à chaque fois pour des résultats médiocres. Les films originaux seront toujours là, parfaits comme ils sont et c’est très bien comme ça.
Quels sont tes projets en cours… Et les projets futurs ?
Actuellement je viens de terminer un travail pour le lancement du jeu Nier Replicant avec SquareEnix France par l’intermédiaire de la galerie French Paper Art Club.
J’essaye aussi d’établir un planning avec un nouveau print tout les 3/4 mois. Que je produis en sérigraphie avec mon pote Christin (le sérigraphe cité plus haut). On a une liste de films à traiter… Après Jurassic Park, les TMNT et Alien, on devrait s’attaquer à Akira en juin/juillet. Cependant j’aimerais ne pas m’enfermer que dans du fan art uniquement, c’est un peu un piège. Donc je pense re-proposer des choses originales et personnelles dans l’année, si j’ai le temps.
Et en parallèle de ça je continue à tatouer et à apprendre 🙂
En projet futurs j’aimerais retravailler pour des gros groupes de musiques, en général c’est franchement cool et tu peux t’amuser en proposant de l’originalité. Et j’adorerais bosser pour la licence Resident Evil en proposant une illustration officielle (olalala) un peu à la manière de Nier justement.
Pour finir, aurais-tu des conseils à donner pour la future génération qui souhaiterait travailler dans le graphisme ou l’entertainment ?
Vu la pléthore de références, de tutoriels, et de conseils disponibles en deux clics je ne pense pas avoir de conseils techniques à donner. Cependant je pourrais dire ceci à un gamin qui voudrait tenter le truc : se faire plaisir à soit et ne pas chercher l’approbation des autres et courir après les likes factices sur les réseaux sociaux.
En bref:
Ton film préféré ?
DUR ! Mais si je devais en choisir qu’un seul, je dirais Jurassic Park. Il y a mieux, sûrement, et objectivement ce n’est pas le meilleur film des mes tops, mais pour ce qu’il représente dans ma vie, et en terme d’influence, ouais c’est vraiment mon film pref’.
Ton livre préféré ?
La honte, je dois avouer que je ne lis pas beaucoup de romans, nouvelles ou autres. J’ai pas envie de me la jouer en te sortant un titre pompeux pour faire genre. Cela dit, quand j’étais ado j’ai pas mal enchaîné les Stephen King, je garde des bons souvenirs de IT, Rage, etc. Mais je joue le jeu et je sors la carte “biographie” en votant pour THE DIRT, la biographie des Motley Crue. Un grand huit émotionnel dans lequel tu es souvent en colère et/ou hilare. C’est un vrai témoignage d’une époque surréaliste et révolue.
Ton comics/bd/manga préféré ?
Comics je dirais Batman Year One de Frank Miller et David Mazzucchelli. Parce qu’en plus de faire partie des meilleures histoires de Batman, c’est le premier comics que j’ai lu de ma vie (sans trop saisir les subtilités sûrement) grâce à l’un de mes grands frères.
En BD, inévitablement Gaston (voire Tintin j’arrive jamais à départager)
Et en manga, encore et toujours Dragon Ball <3
Ton jeu-vidéo préféré ?
La vache… pire que pour les films ta question !
Allez. Si en fait si c’est facile : Resident Evil Rebirth, le remake du premier Resident Evil de la PS1, sur la GameCube. Un jeu absolument parfait de bout en bout. Et même maintenant grâce aux différents portages HD sur les consoles next gen, le jeu fout à l’amende tout un pan de la concurrence. J’avais commandé la GameCube à Noël juste pour ce jeu. Et nous partions en vacances le lendemain pendant une semaine. C’était un supplice de devoir attendre après l’avoir déballé sous le sapin. Voilà pour la petite histoire d’un pré-ado pourri gâté.
Encore un immense merci à Nicolas de nous avoir accordé du temps pour toutes nos questions ! Il ne vous reste plus qu’une seule à faire maintenant, vous plongez dans ses différents réseaux sociaux pour y découvrir ton son talent !
1 Commentaire
GeraldAlips
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