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Le Seigneur des Feuilles d’or
C’est clairement l’un des projets qui nous a tapé dans l’oeil en ce printemps 2021 : la version française de Forgotten Gods de Yoann Lossel. Nous vous avons parlé de la campagne en elle-même un peu plus ce mois-ci et Yoann a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à toutes nos questions. Voilà l’occasion de découvrir les inspirations et techniques de travail d’un véritable artiste total.
Bonjour Yoann, est-ce que tu pourrais te présenter un peu à nos lecteurs ?
Merci pour cette invitation !
Je m’appelle Yoann Lossel, je suis un artiste français. Mon travail s’est fait connaître avant tout aux États-Unis pour mon utilisation de la feuille d’or en combinaison avec du graphite ou de la peinture à l’huile. Et je suis principalement inspiré par des courants artistiques français ou anglais du XIXème et début du XXème siecle.
Comment as-tu choisi l’art comme carrière ?
En réalité, dans un premier temps, je ne l’ai pas vraiment choisi. Enfant, on me répétait que plus tard je serai artiste parce que je dessinais bien. La graine a germé et je me suis construit avec ce destin. Mais ce n’est pas étonnant, j’étais un enfant très contemplatif, observateur et curieux, et j’évoluais dans une famille où l’art avait une véritable place. Chez moi, il y avait un accès à la culture, mon père était instituteur et ma mère sortait d’un cursus à l’école des Beaux-Arts.
C’est bien plus tard que j’ai saisi ce que ça représentait d’être un artiste et que j’ai pu choisir l’artiste que je voulais être.
Comment te décrirais-tu en tant qu’artiste ? Quelle est ta philosophie sur l’art ?
L’art peut aider à donner ou trouver du sens à sa vie. La multitude d’œuvres (peinture, jeu vidéo, roman, comics, bd, poème, manga, film, musique…) nous apprend qu’on peut regarder le monde de mille manières. Et dans cette multitude d’œuvres, il y en a au moins une qui deviendra votre amie, votre confidente ou l’idéal auquel vous aspirez.
Une fois qu’on a emprunté ce chemin, on part en quête à son tour. Les frontières du monde connu ne font plus que s’éloigner. Un jour, on se retourne sur la première œuvre qui a changé notre monde et on découvre qu’elle n’était qu’une porte vers une aventure sans fin. Ça implique qu’en tant qu’artiste, on a une responsabilité forte sur ce qu’on transmet.
Je le dis souvent, ma vie est un jardin et mon art en est la porte. Mon travail d’artiste consiste à œuvrer pour rendre le jardin aussi beau que possible et à améliorer constamment la porte. Le jardin c’est ce que je transmets, la porte c’est comment je le transmets.
J’adore l’art total, les mouvements artistiques dans lesquels l’artiste est aussi artisan et mène une réflexion sur tous les aspects de sa vie. William Morris est un bon exemple pour illustrer cette idée : il a œuvré dans la peinture, la littérature, l’architecture, l’édition et évidemment le design. Il était passionné de langues, de voyages, de politique et curieux du monde qui l’entourait. Il a nourri une œuvre totale. C’est une dimensions qu’on retrouve beaucoup dans l’Art Nouveau, cette esthétique a trouver mille manières de s’exprimer, que ce soit à travers le design, l’architecture, la bijouterie, la verrerie etc… Ça a véritablement bouleversé la vie des gens jusque dans leur environnement du quotidien.
Quelles sont tes principales sources d’inspirations ?
Le fantastique, dans un sens large, depuis ces racines mythologiques jusqu’à aujourd’hui, a joué un rôle primordial dans mes sujets de prédilection. La nature et ses grands paysages a également un rôle important.
Ensuite, il y a de nombreux mouvements artistiques qui me passionnent, que ce soit pour les thèmes qu’ils abordent ou pour leur esthétique : la Renaissance Italienne, le Romantisme Noir, le Symbolisme, le Préraphaélisme, l’Art nouveau, l’Arts & Crafts, L’Age d’or de l’Illustration… Je pourrais énumérer une longue liste d’artistes qui m’ont inspirés, touchés ou qui ont même révolutionné mon monde. Ils apparaissent les uns après les autres dans mon esprit en même temps que je vois défiler leurs œuvres, mais les lister risque d’être un peu indigeste.
Je vais quand même en aborder quelques uns, soit par ce qu’ils sont moins connus (je ne vais pas lister Klimt, Morris dont j’ai déjà parlé ou Boticelli, même s’ils auraient évidemment une place de premier choix), soit parce qu’une partie très importante de leur œuvre est moins connue (le premier est un très bon exemple). Donc, je vais nommer Alfons Mucha (on parlait d’art total), Eugene Grasset, Aubrey Beardsley, Margaret et Charles Rennie Mackintosh pour l’Art Nouveau / Arts and Crafts. Gustave Moreau, Edgard Maxence, Fernand Khnopff, Franz von Stuck, Gustav-Adolf Mossa et Ferdinand Keller pour les symbolistes. John William Waterhouse, Sir Edward Burne-Jones et Julia Margaret Cameron pour les Préraphaélites. Edmund Dulac, Kay Nielsen, Joseph Urban et Heinrich Lefler pour L’Age d’Or de l’Illustration, auxquels j’ajouterai nos merveilleux illustrateurs contemporains : Alan Lee, Brian Froud, Michael Wm. Kaluta, Charles Vess et P.J Lynch. Et quand je relis ma liste, je me flagelle de ne pas avoir ajouter d’autres artistes, mais il faut savoir s’arrêter.
Enfin, et c’est le plus important, ma femme Psyché et une de mes plus grandes sources d’inspiration. Nous nous sommes rencontrés autour de l’art et l’art est au cœur de notre vie. Que ce soit à travers nos voyages ou nos échanges. Elle a inspiré mes sujets favoris à commencer par celui qui nous a réuni au tout départ.
Il existe souvent une distinction entre le processus créatif et la manifestation cérébrale qui l’accompagne et qui fonctionne de manière synergique… comme un compagnon nécessaire à la barre de l’art. Peux-tu nous en dire plus sur ton approche et ton processus artistique ?
Pour moi, le distinguo n’est jamais aussi net. Mon processus global fonctionne plutôt par arborescence. Je travaille par visualisation et je prends vraiment mon temps avant de commencer un sujet. Il y a quelques œuvres qui se rapprochent plus de l’exercice de style, mais je les mets à part.
Je travaille beaucoup par imprégnation, je m’immerge dans le thème que je veux aborder et je visualise mentalement mon image. Je la laisse évoluer au fil du temps et je la laisse se nourrir de mes lectures, expériences et impressions. Au moment de l’exécution, j’ai déjà une représentation mentale. Ça ne veut pas dire que ça n’évoluera plus, mais je sais ce que je veux ressentir face à ce sujet. Enfin, on compose ensemble, on se répond jusqu’à trouver un accord final. C’est une véritable relation. A la fin, l’œuvre a sa vie propre et elle ne m’appartient plus.
Tu as une technique assez unique, mélangeant graphite et utilisation de la feuille d’or. Quel rapport entretiens-tu avec l’utilisation de ces techniques et matières ?
La matière a une vie propre, une résistance, on doit composer avec. Si je continue de travailler avec ces techniques traditionnelles, c’est parce qu’elles m’offrent du répondant.
Et je pourrais parler différemment de chaque matière d’ailleurs. J’ai une relation forte avec mes médiums, chacun a quelque chose à m’offrir. J’adore le crayon, j’ai l’impression que ça danse avec légèreté sur la feuille, on peut aller très loin dans le raffinement et la douceur. La feuille d’or, elle, me donne l’impression de faire exister le sujet, de le faire basculer dans une autre dimension. Ça renvoie la lumière, ça rayonne et ça change selon l’exposition.
Même en tant que créateur je deviens spectateur quand je commence à dorer une œuvre. Il y a une dimension magique. Je saisis parfaitement pourquoi ça a tant été utilisé dans l’art sacré.
En fait, j’adore être surpris par la réaction de la matière, j’adore être spectateur de ma création. Je créé les œuvres que j’ai envie de voir exister.
Ton livre Forgotten Gods est actuellement en financement sur Ulule pour sa version française, peux-tu nous raconter la genèse de ce projet ?
Forgotten Gods est un livre qui rassemble mes œuvres de la dernière décennie sur lequel je travaille depuis très longtemps. Je suis un passionné de livres, je les collectionne amoureusement depuis des années, avec une préférence pour les premières éditions des maîtres de l’âge d’or de l’illustration (Rackham, Dulac, Nielsen, Robinson, Bauer, Doré, …). « Forgotten Gods » est un livre que j’aimerais pouvoir mettre sur une ce ces étagères, du moins c’est la manière dont je l’ai pensé.
J’ai contacté plusieurs artistes pour développer des collaborations qui apparaîtront dans le livre et plusieurs de mes œuvres ont été confiées à des auteurs pour qu’ils les accompagnent de leurs textes.
Pour encadrer l’ensemble, j’ai demandé à Alan Lee de rédiger la préface et à Florence Alibert de rédiger la postface. Alan Lee est l’artiste dont je me sens le plus proche, c’est un honneur immense de savoir qu’il introduit mon livre. Florence Alibert, de son coté est Maîtresse de conférences et Conservatrice des bibliothèques. Son livre “Cathédrales de poche”, qui décrit le regard de William Morris sur l’édition, s’est imposé à moi lors de la conception de mon livre. C’est une manière formidable de clôturer ce livre.
A l’image de toutes tes créations, tu accordes une importance toute particulière à la matière de ton livre, à son aspect pour en faire un véritable objet d’art. Comment s’est passée la conception matérielle pour ce livre ?
Je parlais à l’instant du livre de Florence Alibert sur la relation de William Morris à l’édition et c’est le cœur du sujet. Un livre ou un livre illustré, ça représente des dizaines de décisions à prendre : Qu’est ce qu’on y raconte ? Comment on le raconte ? Comment on le fabrique ? Qui le fabrique? Où on le fabrique ? Chaque question mérite une réponse et si on est exigeant chaque réponse doit être cohérente avec les autres.
En fait, je compose depuis presque dix ans mes images de manière à les inclure dans cet artbook. Mes peintures ou dessins sont souvent encadrés par des entrelacements dorés, c’est une vieille tradition dans le milieu de l’édition. Ça correspond à une mise en page qui a été longtemps très populaire et qu’on retrouve beaucoup dans les livres illustrés du XIXeme siècle. J’ai eu envie de m’inscrire dans le prolongement de cette manière de produire des livres.
Je voulais proposer plusieurs éditions, c’est aussi une tradition qu’a connu le livre illustré. Par exemple, quand vous preniez un livre illustré par Rackham, il n’était pas rare de trouver trois éditions différentes avec des niveaux de finition différents. Dès l’édition classique, on faisait l’acquisition d’un livre de bonne qualité et ça allait crescendo jusqu’au tirage de tête.
Ensuite, j’ai contacté un imprimeur connu dans le milieu de l’auto-édition : l’imprimerie Escourbiac.
Il correspondent à mes exigences et répondent de manière cohérente à mes questions sur la fabrication. Je voulais que ce soit imprimé en France, par un imprimeur réputé pour la qualité de son travail, qui respecte des normes environnementales et sociales.
J’ai soigneusement choisi les matières, j’ai des goûts particuliers en livre. Pour la lecture, j’aime les papier gaufrés épais qu’on retrouve dans les vieux livres de conte. Pour mes images, j’ai fait un choix un peu différent, il fallait un papier qui s’accorde avec ce premier tout en restituant au mieux la profondeur de mes images et le travail sur la dorure.
Pour les éditions plus luxueuses, il a fallu réfléchir à différentes matières et techniques. Je voulais pouvoir proposer une édition avec de la dorure pour restituer l’impression visuelle devant mes originaux. Bref, ça déroule une quantité de décisions à prendre et j’adore ça.
Quelles sont tes journées typiques en studio ? As-tu des habitudes ou des petites manies dont tu ne pourrais pas te débarrasser ? Quel est ton processus créatif pour une nouvelle illustration ?
Je n’ai pas de journée typique en studio et c’est aussi ce que j’aime. Il y a longtemps que je ne peux plus juste me concentrer sur la création de nouvelles illustrations, ça va de paire avec l’évolution de ma carrière. Avec Psyché, on fait beaucoup de choses différentes et on doit gérer des plannings qui évoluent énormément. Dans une même semaine, on peut partir assez loin pour un shoot de Psyché (qui est photographe), gérer la fabrication de mes tirages, réceptionner des textes pour mon livre… je peux commencer un nouveau sujet ambitieux ou m’essayer à des crayonnés plus simples, gérer des contrats, des échanges pour des projets futurs, designer un cadre pour un futur tableau, designer un bijou, renvoyer des études pour l’adaptation de mon travail en sculpture, signer des livres à renvoyer à un éditeur, prendre le temps de communiquer sur les réseaux sociaux (et ce n’est vraiment pas négligeable, ça a changé le travail des artistes)… C’est tellement diversifié qu’il faut s’adapter en permanence. C’est un travail qui demande beaucoup, beaucoup d’énergie, d’organisation et qui demande de garder la tête sur les épaules.
Quelle serait l’œuvre de ton portfolio dont tu es la plus fière et pourquoi résonne-t-elle particulièrement en toi ?
« The Rise » . Quand j’ai pensé à ce tableau pour la première fois, je l’ai nommé « The Fall », faisant référence à certains livres que je lisais à l’époque. J’ai contacté une modèle pour travailler sur des études parce qu’elle incarnait parfaitement ce que je voulais raconter.
Nous nous sommes rencontrés pour « The Fall » (la chute) et nous sommes tombés amoureux. J’ai décidé de renommer le tableau « The Rise » (l’élevation). C’est comme ça que j’ai rencontré Psyché, ma femme.
Ce sujet a une histoire qui est très importante pour moi et il répond en plus à mes attentes artistiques.
Quels sont tes projets en cours… Et les projets futurs ?
Je travaille toute cette année sur mon livre. Je dois gérer l ‘impression, les expéditions, les dédicaces, etc…
Pour les années à venir il y a plusieurs projets dont un très important : j’ai été contacté par une maison d’édition américaine pour illustrer la version de luxe (j’ai illustré une version de luxe de Beowulf en 2017 pour une autre de ces maisons d’édition) d’un livre d’un auteur britannique très connu. Sinon, j’ai des dizaines de commandes d’œuvres à terminer.
Pour finir, aurais-tu des conseils à donner pour la future génération qui souhaiterait travailler dans le graphisme ou l’entertainment ?
Le graphisme ou l’entertainment, ce n’est pas vraiment la même approche que la mienne. On doit en général se plier à une demande forte qui peut être très aliénante. En général, quand je suis contacté, on m’offre la liberté de faire ce que je veux.
Du coup, dans ce cas de figure, je pourrais être de mauvais conseil. En voici tout de même un :
Prenez soin de vous et respectez vos limites. Vous ne vous ferez pas toujours des amis, mais ça donnera une direction claire à votre production. A condition, bien sûr, que vous questionniez sincèrement chacune de vos décisions.
Un immense merci à Yoann Lossel d’avoir prit le temps de nous répondre ! N’hésitez pas à plonger dans son univers avec ses différents réseaux :
54 Comments
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