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Quand la poésie et la mélancolie rencontrent la Science-Fiction
par Julien Djoubri
Il est difficile de s’attaquer à l’oeuvre d’un artiste comme Simon Stålenhag. J’ai toujours été fasciné par son oeuvre, depuis la sortie de son premier ouvrage Tales from the Loop, puis les deux tomes suivants. Je ne suis jamais allé en Suède, j’ai même grandi dans le sud de la France, ce qui s’apparente en terme de climat à un bel opposé. Et pourtant, les illustrations de cet artiste m’ont toujours parlées. Elles font raisonner quelque chose en moi, une sorte de nostalgie d’une époque que je n’ai jamais vécue mais que je connais pourtant par coeur.
Toute l’oeuvre de Simon se trouve à la frontière entre des grands paysages naturels et de la Science-Fiction, deux sujets qui souvent s’opposent. On ressent une sorte de nostalgie, parfois même une mélancolie lorsqu’on les observe. Car ici, on est loin de monde en guerre ou de ville cyber-punk à la Blade-Runner. Non, ici le temps semble presque s’être arrêté à un moment qui n’a jamais existé.
Mais ce moment, je le connais, car il est la somme des éléments de mon enfance. Beaucoup de chose me parle lorsque je regarde les oeuvres de cet artiste, ce silence qui court dans les plaines où trônent d’anciens robots hors d’usage, ce sentiment de quiétude lorsque l’on observe certaines de ces machines inertes, cet abasourdissement face à l’usage de la technologie.
Ce sont des illustrations qui semblent avoir toujours appartenues à la culture Geek, à la Science-Fiction, donnant l’impression d’être là depuis toujours. Mais là n’est pas tout le talent de Simon Stålenhag, car les histoires qu’il écrit sont encore plus passionnantes, encore plus marquantes.
Entre Nature et Robots
Une vieille Volvo bleu, comme les amis de mes parents pouvaient avoir, est garée sur un parking dans l’univers dystopique de Simon Stålenhag. On peut voir à coté d’elle une jeune femme avec une veste en cuir, un sac à dos rouge sur les épaules, en train de gravir une petite butte. Tout fait furieusement penser aux années 90 telles qu’on les connait. Sauf que la jeune femme tient la main à un petit robot avec une énorme tête toute ronde, aux allures enfantines, et ils observent ensemble ce qui semble être des canards en plastique géant qui ont été victimes de tir avec des armes à feu.
Voilà exactement le genre de paysage que l’on peut retrouver dans les univers de cet artiste suédois. Mais comme on peut le voir dans l’image ci-dessus, l’important n’est pas l’élément fantastique. Au contraire, Simon aime avant tout dépeindre des paysages, souvent grandioses, et laissent place à la nature elle-même. Cette passion pour les espaces sauvages remonte d’ailleurs à son enfance. A l’époque, l’artiste était fasciné par ce qui l’entourait : les oiseaux et les campagnes suédoise. Il pouvait passer des heures à les dessiner, à représenter cette vie de tous les jours.
Ce n’est qu’après avoir travaillé dans l’industrie du jeu-vidéo, et avoir apprit à dessiner des robots, que Simon va progressivement intégrer des éléments de science-fiction dans ces immenses paysages. Ce sera pour lui le moment d’associer ces deux passions : dépeindre de grands paysages et redécouvrir l’imagerie futuriste des années 80 qui l’avait bercé plus jeune.
Si Simon Stålenhag aime introduire ces immenses robots dans ses créations, c’est avant tout parce qu’il adore les créer. Il avoue lui-même être incapable de peindre des illustrations aujourd’hui sans y introduire des machines ou mêmes des créatures tentaculaires. Car Simon est avant tout un fan de l’horreur, de la Science-Fiction et de la série B. C’est cette source d’inspiration qui va le pousser à trouver son propre style, plus proche de l’émotion qu’il ressent au moment de son travail.
On est face ici à un mélange des genres. Le style général rappel le réalisme américain et des peintres tels que Edward Hopper ou encore Winslow Homer, retrouvant la même manière de présenter des paysages et des scènes avec peu d’action. C’est à travers ce style et technique que ces artistes parviennent à retranscrire leurs émotions, bien mieux qu’à travers une photo. Les illustrations de Simon sont toute en finesse et il donne l’impression de pouvoir rendre des bâtiment ou des robots tristes ou même mélancolique.
Là est toute la force de cet artiste, peindre de vrais paysages (toutes ces créations sont basées sur de vrais lieux) et y ajouter sa touche de science-fiction pour nous faire parvenir un ressenti, une émotion et bien souvent, un message.
Devenir adulte, c’est comprendre que l’on est toujours un enfant
A l’image de nombreux artistes de genre, Simon Stålenhag utilise la science-fiction pour communiquer, faire passer des histoires. Tout ici n’est pas que question de beau et de graphisme, bien au contraire. Les robots et les éléments retro-futuristes sont là pour attirer notre oeil, avant de nous faire plonger bien plus profondément dans l’histoire que ces oeuvres racontent. Car Simon n’est pas qu’un illustrateur de talent, c’est avant tout un conteur de génie.
Pour cet artiste, être adulte se résume principalement à ne pas oublier qu’on est encore un enfant, mais simplement avec des responsabilités en plus. Et c’est avec un certain pessimisme qu’il décrit les adultes dans ses oeuvres, les mettant un peu tous dans le même sac. Se ressemblant bien souvent, il représente la conformité vers laquelle la société peut tendre, à quel point nous souhaitons tous être quelque chose d’autre, quelqu’un que l’on est pas.
C’est une idée qu’il va défendre au travers de ses différentes histoires, l’idée selon laquelle les adultes doivent se comporter d’une certaine façon pour être récompensé. C’est un sentiment que tous les enfants ont déjà ressentis en regardant leurs parents, cette incompréhension face au paraitre. Toute cette influence et cette façon de voir les adultes va lui être d’ailleurs influencée par sa propre histoire, lui dont les parents ont divorcés lorsqu’il était encore adolescent.
La Science-Fiction comme entrée dans la Réalité
Simon Stålenhag va progressivement introduire des éléments personnels au sein de ses histoires, y ajoutant un grain de nostalgie. Et le moins que l’on puisse dire est que cela transparait très bien dans chacune de ses illustrations. Peu importe le livre que vous allez feuilleter, vous vous retrouverez face à des histoires de familles, sous différentes formes. Une fois que l’on gratte un peu sa façon de conter les histoires, on comprend rapidement que la science-fiction est principalement un jolie emballage qui cache en réalité des histoires bien plus profonde que ce à quoi on pourrait s’attendre.
Car si l’artiste suédois utilise la technologie comme outil et comme élément graphique de ses oeuvres, c’est également une manière de la mettre en avant afin d’en dénoncer certaines dérives. Comment ne pas réfléchir face à la société Sentre, qui fait partie d’un immense conglomérat militaire mais qui vend également des casques de VR au grand public ? De nombreuses illustrations de son troisième ouvrage The Electric State dépeignent des groupes de personnes ne bougeant plus, leur casque de réalité virtuel sur la tête, tous plongés dans un autre univers.
C’est par cette satire que Simon nous dévoile son point de vue sur la technologie de manière générale. C’est avec un regard amusé qu’il nous fait observer les origines des outils que nous utilisons tout les jours, qui sont bien souvent d’origine militaire. Mais l’artiste suédois est également quelqu’un qui est méfiant de la technologie et c’est quelque chose que l’on retrouve chez ses personnages. Même si les dérives sont tout de suite visibles, on peut également voir une sorte de fatalisme de se rendre compte que le seul moyen de lutter contre les vices de la technologie est de le faire grace à la technologie.
Un univers Transmédia
La profondeur de l’univers créé par Simon Stålenhag est ce qui lui a permit d’étendre encore plus sa façon de raconter des histoires. Car si tout a d’abord débuté pour lui via ses illustrations, c’est par des financements participatifs qu’il va être capable de financer ses livres, recevant un soutien incroyable de la part de ses fans et du public.
Mais l’artiste ne va pas s’arrêter là et va continuer à developper son univers tout d’abord avec son adaptation en jeu de rôle, toujours sous le nom de Tales from the Loop, où l’on pourra incarner des enfants ou des adolescents dans cet univers dystopique et faire face à des machines intelligentes ou encore des voyages dans le temps ou dans des dimensions parallèles. Etant moi-même un amoureux des jeux de rôle, c’est toujours un vrai plaisir de voir des univers dont on tombe amoureux déclinés sous forme de jeux, nous permettant une plus grande immersion.
Mais l’aventure est loin de s’arrêter là. Son univers a en effet été adapté par Amazon sous forme d’une série anthologique de 10 épisodes, elle aussi baptisée Tales from the Loop. L’ambiance y est parfaite, pleine de nostalgie et bourré d’effets visuels à tomber par terre. On retrouve exactement l’esprit des récits de Simon. Au travers des différents épisodes, on suit différents personnages avec leurs propres mini-histoires, qui sont toutes connectées d’une manière ou d’une autre. La musique colle parfaitement au récit et c’est le genre d’adaptation dont beaucoup d’artiste reverait je pense.
Actuellement, son univers continue encore d’être décliné grace à un nouveau financement participatif. Cette fois-ci le but est de créer un jeu de plateau basé sur son univers. Comment vous expliquer que j’y ai déjà mit mes petites pièces tant c’est le genre de projet que j’ai envie de voir se réaliser. Pas uniquement parce que j’aime l’auteur, mais parce que je suis admiratif des univers complètement originaux comme le sien et de toutes les formes que son récit peut prendre.
Simon Stålenhag est un artiste que j’admire par sa force de création. Il possède un bagage qu’il est rare de trouver, consistant en un mélange parfait de conteur et d’illustrateur de talent. L’univers de Tales from the Loop est de très loin l’un de mes préférés et je suis ravi de pouvoir voir un artiste s’épanouir autant dans sa création tout en proposant de vrais messages, de vraies réflexions.
Si vous ne le connaissez pas encore, je ne peux que vous inviter à vous plonger à corps perdu dans cet univers si poétique et si vaste. C’est un genre de voyage dont on ne revient pas indemne, mais dont on revient grandi.
J.D.
3 Comments
Jeraldfeesy
Брат замминистра инфраструктуры Украины Мустафы Найема — Маси Найем подорвался, вероятнее всего, на украинской мине.
Об этом он сам рассказал в первом после ранения интервью, передает Telegram-канал «Политика Страны».
[url=https://publichome-1.org/city/lomonosov]Проститутки Ломоносов[/url]