

Découvrez plus de Geek-Art // La Newsletter
Easley, Caldwell, Elmore : la Sainte Trinité de Donjons et Dragons
Nous voici donc à parler du dernier membre de ma trilogie personnelle de la Sainte Trinité de Donjons et Dragons. Débutée avec Jeff Easley, nous avons ensuite plongé dans le portfolio de Clyde Caldwell. Avec Larry Elmore, nous tenons là ce qui est, à mon sens, les trois artistes qui ont très largement contribué à donner ses lettres de noblesse à la plus fameuse licence de jeux de rôle du monde. Une licence qui n’est pas prête de tomber dans l’oubli, si l’on en croit non seulement les millions de fans dans le monde, mais également le succès toujours grandissant des éditeurs tiers, des chaînes de « live gaming » (la plus fameuse étant sans aucun doute « Critical Role » aux USA, qui a donné de nombreux petits en France, je pense notamment à l’excellent « La Bonne Auberge »), et aux différents hommages du petit et du grand écran. Le plus populaire de ces hommages récents étant sans aucun doute Stranger Things, dont les héros sont de grands adeptes du jeu créé par Gary Gygax et Dave Arneson.
Si ces trois grands illustrateurs ne sont pas les seuls à avoir travaillé sur les mondes de Donjons et Dragons, ce sont sans aucun doute ceux qui ont le plus marqué mon subconscient. Car oui, cette Sainte Trilogie, vous vous en doutez, est basée sur mon expérience personnelle, et est donc totalement subjective ! Une subjectivité que j’assume totalement : sans ces trois artistes, qui ont baigné mon inconscient durant des heures et des heures de jeu et de rêverie, je n’écrirais sans doute pas ces lignes aujourd’hui. Maintenant que cela est dit, nous pouvons donc plonger dans le monde fantastique de Larry Elmore !
La Quête Eternelle de Larry Elmore
Larry Elmore est né le 5 août 1948 à Louisville, dans le Kentucky, où il a également grandi. Point commun avec ses futurs collègues de TSR Clyde Caldwell et Jeff Easley : l’école ne le passionnait pas beaucoup. Autre point commun : l’amour immodéré pour les cultures de l’imaginaire, la science-fiction et la fantasy, ainsi que pour le dessin. Problème : l’école rurale du fin fond du Kentucky dans laquelle évolue Elmore n’a pas vraiment de programme artistique. Ce dernier passera donc la majeure partie de sa scolarité à dessiner partout, tout le temps, à améliorer son art de manière autodidacte… Et bien entendu à rêvasser. Je l’imagine d’ailleurs parfaitement en train de dessiner des dragons dans un cahier, en regardant le ciel par la fenêtre, tandis que son professeur déblatérait un cours qui ne lui faisait ni chaud ni froid. C’est d’ailleurs un point commun que je partage à titre personnel avec Larry ! Cette passion dévorante pour le dessin lui jouera hélas des tours, et beaucoup de ses professeurs, peu enclins à apprécier l’art naissant d’Elmore, détruiront ses dessins en le submergeant de punitions diverses et variées.
Mais ce n’était pas des professeurs bornés qui allaient se mettre entre Larry et son amour pour le dessin ! Il finit ainsi par trouver sa voie à l’université Western Kentucky, en se spécialisant dans l’art. Son diplôme en poche, il est cependant immédiatement appelé sous les drapeaux, et l’armée américaine l’envoie stationner en Allemagne. Et tout comme ses professeurs, qui avaient échoué à lui faire passer l’envie de dessiner, ses sergents instructeurs ne réussiront pas non plus à se placer entre Larry et ses bien aimés dragons : après deux ans dans l’armée, Larry Elmore revient au pays pour tenter de vivre de son crayon.
Si ses premières années en tant qu’illustrateur professionnel ne l’amèneront pas vraiment à vivre de sa passion pour la fantasy (il travaille comme illustrateur pour le gouvernement des Etats Unis, dans le département des aides à la formation, à Fort Knox), il connaîtra plus de succès par la suite en tant qu’illustrateur indépendant. Il commence alors à se faire remarquer, notamment en collaborant pour les magazines National Lampoon ou encore el famoso Heavy Metal.
Mais son séjour à Fort Knox ne lui aura décidément pas servi à rien : c’est en effet avec des collègues fonctionnaires qu’il découvre le jeu de rôle Donjons & Dragons ! Ce nouveau jeu enflamme immédiatement son imagination, et le pousse à toquer à la porte de TSR, l’éditeur du jeu en question, son portfolio en main. Il y sera embauché, et deviendra donc le collègue de Clyde Caldwell et de Jeff Easley durant de nombreuses années, travaillant sur des couvertures de suppléments de règles, des illustrations intérieures, des couvertures de romans, des affiches et des calendriers.
Mais Elmore ne s’arrête pas à l’illustration pure. Particulièrement fan de comics, il crée son propre titre, SnarfQuest. Endossant à la fois le rôle d’illustrateur et de scénariste pour l’occasion, il développe cette bande dessinée fantastique incluant des pointes de science-fiction, qui sera publiée dans le magazine dédié à D&D : Dragon. Cette saga de fantasy en noir et blanc, mêlant humour et satire, connaîtra son petit succès après de la communauté rôliste, et on dit même qu’elle inspirera, des années plus tard, Jeff Smith pour la création de sa BD culte, Bone (que je peux que vous conseiller de lire !).
Elmore sera aux premières loges pour créer un autre univers de D&D, Dragonlance. C’est lui qui sera à l’origine des concept arts et des character designs de ce nouveau setting de Donjons et Dragons, dans lequel on trouve, évidemment, beaucoup, beaucoup de dragons. Elmore sera d’ailleurs reconnu pour avoir réussi à en dessiner des centaines, tout en donnant à chacun d’entre eux un look et une personnalité unique. Un véritable exploit !
Elmore quittera TSR un peu plus tôt que ses petits camarades, en 1987. Ce qui ne l’empêchera pas de travailler pour la société qui rachètera TSR des années plus tard, Wizards of the Coast, notamment en illustrant (passage apparemment obligé !) de nombreuses cartes pour le jeu Magic the Gathering. Il travaillera également pour l’un des tout premiers MMORPG, ou jeux de rôle multi joueurs en ligne, à savoir le désormais culte Everquest, en 1996.
La carrière d’Elmore en tant qu’auteur et créateur de mondes prend un nouveau tournant à partir de la fin des années 1990, lorsque les autrices Margaret Weis et Tracy Hickman utilisent le monde de fantasy qu’il a lui-même créé, Loerem, pour écrire leur trilogie « Sovereign Stone ». Par la suite, Elmore continue de développer Snarfquest, avant de monter sa propre société artistique, Elmore Productions, qui développera ses projets d’auteur et d’illustrateur, notamment pour le jeu de rôle. Il faut dire qu’Elmore s’est forgé un nom solide dans la communauté grandissante des amateurs de RPG (ou JdR pour les francophones), et que son travail est reconnu dans le monde entier.
Elmore est un bourreau de travail. Il dessine constamment, nuits et jours. Il faut dire que malgré son statut et son talent, les finances ne sont pas forcément toujours au beau fixe. La vie d’illustrateur, particulièrement dans le monde de la fantasy et de la science-fiction, n’est pas forcément synonyme de vie de château. Un événement tragique l’amènera cependant à réduire la voilure : la mort, très jeune, de son ancien collègue et ami à TSR, Keith Parkinson. La mort de cet ami proche amène Elmore à revoir la façon dont il envisage le travail.
Il faut dire que, depuis son départ de TSR en 1987 et les véritables débuts de sa carrière de freelance, Larry ne chôme pas, et c’est le moins que l’on puisse dire. Il aura créé des centaines d’illustrations, dans le milieu de la bande dessinée, du jeux vidéo, des magazines, de la littérature de fantasy et de science-fiction. Il a créé sa propre société, et a travaillé comme freelance pour des noms comme TSR, Inc, FASA, Mayfair Games, Game Designer's Workshop, White Wolf, Iron Crown Enterprises, Dragon Magazine, Amazing Magazine, Wizard Press, D. C. Comics, First Comics, Eclipse Comics et Frank Frazetta's Fantasy Illustrated, mais aussi pour Mattel, Lucas Films, Tonka, Monogram Models, Western Publishing, Sony Entertainment… La liste est encore longue.
Il prend la décision, à partir de 2006, de travailler moins, ou plutôt de travailler mieux. Il réussira même, en 2013, à lever des fonds via Kickstarter, afin de mettre sur pied le livre d’art ultime, retraçant plus de 40 ans de sa carrière. Les fans ne l’auront donc jamais laissé tomber !
L’art de Larry Elmore, l’un des derniers géants de l’illustration fantasy, est donc entrée définitivement dans la légende. Comme Easley et Caldwell, l’univers de Elmore est fortement inspiré par son époque. Spécialiste des couvertures, il n’aura pas son pareil pour créer des scènes puissantes, évocatrices, qui auront fait rêver des milliers de lecteurs dans le monde, dont votre serviteur. D’ailleurs, s’il y a des vieux briscards du JdR parmi vous, Elmore a également signé l’une des plus emblématiques couvertures de jeux de rôle des années 1990 : celle de Shadowrun !
Ainsi se termine ce dernier focus sur ma Sainte Trilogie de Donjons et Dragons. Si ces petits articles sans prétention auront réussi à attirer votre attention, ou à vous faire découvrir ces artistes exceptionnels, j’en suis plus qu’heureux ! Nul doute qu’ils resteront à jamais au panthéon des grands illustrateurs de fantasy, en tant qu’inspirateurs et créateurs d’univers. Un immense merci à eux, et un grand bravo pour leur carrière exceptionnelle.
Quant à vous qui me lisez, un immense merci pour votre soutien et votre fidélité, et à très bientôt pour de nouveaux articles inédits dans la newsletter Geek-Art ! Je vous laisse en bonne compagnie dans le monde fantastique de ce bon vieux Larry Elmore…
Qu’avez-vous pensé de cet article ? N’hésitez pas à nous en parler dans les commentaires !