Dans cette série d’articles à destination de Geek-Art +, la newsletter payante de Geek-Art, je vous ferai découvrir ou redécouvrir ces femmes et ces hommes qui ont su donner vie aux univers de fantasy et de science-fiction qui nous ont tant marqués. Qu’il s’agisse de licences comme Magic, Warhammer ou Donjons et Dragons, de livres ou de films cultes, ces artistes ont su photographier ces univers pour les imprimer à tout jamais dans l’imaginaire collectif des amateurs de culture de l’imaginaire. Madeleines de Proust pour les vieux briscards de la pop culture comme moi, ces artistes méritent d’être mis en avant encore aujourd’hui. Dans ces articles, je vous présenterai ceux qui m’ont particulièrement marqué. Et il y en a beaucoup ! Bienvenue dans Les Archives des Fondateurs cette nouvelle série Geek-Art + dédiée aux Grands Maîtres de l’illustration fantastique !
Wayne England, le Seigneur des Batailles
Vous l’aurez sans doute compris en lisant cette newsletter ou le blog de Geek-Art, j’ai toujours été passionné par l’univers de Warhammer. Ce wargame édité par la société britannique Games Workshop m’a plongé très tôt, à peine ma lecture du Seigneur des Anneaux terminée vers la 6ème, dans un monde de fantasy baroque et un autre de science-fiction gothique. Si Warhammer Battle empruntait énormément à Tolkien et à Donjons et Dragons en termes d’univers, le Vieux Monde s’inspirait également de l’histoire de l’Europe médiévale et de la Renaissance pour un résultat haut en couleurs. Un Empire humain sur le déclin, sortit tout droit du film “La Chair et le Sang” de Paul Verhoeven, luttait pour sa survie face aux forces du chaos, aux skavens (une armée de rats humanoïdes vivant dans les souterrains), aux orcs, aux gobelins et aux morts vivants.
De son côté, Warhammer 40000 nous propulsait dans un futur très lointain, et très, très sombre, dans laquelle, si l’Humanité a réussi à conquérir la galaxie, elle l’a fait au prix de sa liberté et de son âme. Des milliards d’êtres humains vivent et meurent chaque jour pour la gloire d’un Imperium fanatique, sous la coupe d’un Empereur mort depuis 10 000 ans mais dont le cadavre continue de régner sans partage sur son empire par le biais d’une aristocratie décadente et d’une écclésiarchie malade. Des humains génétiquement modifiés, les Space Marines, forment une armée invincible scindée en de nombreuses légions. Ces géants de guerre protègent le peu d’humanité qui reste dans l’Imperium face aux orks de l’espace, aux eldars (des elfes de l’espace), aux tyranides (des aliens dévoreurs de mondes), aux nécrons (des morts vivants de l’espace) et au Chaos en général, incluant démons, cultistes et space marines corrompus. Comme vous pouvez le constater, un joli monde que celui du 41e millénaire, où l’Inquisition n’hésite pas à déclarer l’exterminatus sur une planète et à éradiquer 1 milliard d’habitants sur le simple soupçon d’un culte hérétique.
Ces deux univers m’ont vite fasciné, non seulement de par les figurines qui composent leurs jeux (à collectionner, monter et peindre soi-même), mais également de par les nombreux livres de règles, suppléments et magazines qui les accompagnaient (et les accompagnent encore). Et pour cause : ils regorgent d’illustrations, en couleurs ou en noir et blanc, dépeignant les méandres de ces mondes fabuleux.
Parmi les nombreux artistes ayant travaillé pour Games Workshop, certains m’ont plus marqué que d’autres. Et si j’ai hâte de vous présenter des légendes comme John Blanche ou Mark Gibbons, je souhaitais démarrer en mettant en avant le travail d’un artiste sans doute un peu moins connu, mais qui a néanmoins contribué comme peu d’autres (à part John Blanche évidemment , j’entends d’ici les puristes !) illustrateurs à forger le monde de Warhammer.
Wayne England est un illustrateur britannique ayant démarré sa carrière chez Games Workshop au milieu des années 80, et a activement contribué à développer les univers graphiques des jeux de Games Workshop à cette époque, puis pour les décennies à venir. La légende veut qu’après plusieurs tentatives infructueuses, Wayne England finit par passer un entretien auprès de John Blanche, le pape visuel de l’univers de Warhammer. Ce dernier en étudiant son portfolio, lui dira qu’il serait un fantastique illustrateurs de “badges”. En français, on pourrait traduire “badge” par “armoiries”, ou “icônes”. Et ce n’est pas cela qui manque dans le monde de Warhammer ! Wayne, quant à lui a compris qu’il serait un fantastique illustrateur de “badgers”... Soit de blaireaux en français. Courroucé, il aurait quitté le bureau d’un John Blanche interloqué avant de revenir quelque temps plus tard, le quiproquo évacué. Wayne England était embauché, et allait créer certaines des illustrations les plus marquantes de Games Workshop !
Le trait de Wayne England est reconnaissable entre tous. Entre l’ultra-réalisme et le cartoon, les couleurs incroyables de ce maître de la fantasy donnent vie à un imaginaire sans pareil. Il réussit, surtout dans l’univers 40,000, à s’approprier cette ambiance gothique, sombre et sans une seule lueur d’espoir. Que ce soit en dessinant des pictogrammes (et des badges !) servant à marquer les fins de chapitres ou en donnant vie à des personnages de cet univers, England réussit parfaitement à capturer l’essence de ce qui fait 40K comme l’appellent les fans. Un univers oppressant, sombre, dérangeant, où les gentils n’existent pas et où les méchants ont souvent de bonnes raisons de l’être. Cette représentation acerbe d’un empire tout puissant qui s’écroule sur lui-même, d’une religion aveugle et cruelle, et d’une administration maladive et stupide, pour qui le seul bon Xenos (étranger, alien, non humain) est un Xenos mort est typique de l’Angleterre post tatchérienne punk et irrévérencieuse. Car on peut tout à fait voir dans cet univers atroce une vision déformée et malade du monde Occidental moderne, plus particulièrement celui de la Grande Bretagne.
Quoi qu’il en soit, Wayne England arrive avec maestria à peindre les démons de cet univers, les soit-disant héros ont tous un terrifiant côté obscur. L’hérésie n’est jamais bien loin !
Après un passage remarqué chez Games Workshop durant de nombreuses années, Wayne England voguera vers d’autres horizons, travaillant notamment sur Donjons et Dragons et surtout pour le jeu de carte culte Magic the Gathering, illustrant pas loin d’une centaines de cartes à collectionner !
Wayne England aura été, pour de très nombreux joueurs, moi inclus, un illustrateur marquant une vie. Une vie mise au service de la fantasy et des mondes de l’imaginaire, et un artiste comme on n’en verra sans doute plus beaucoup. Wayne England nous a quitté trop tôt en 2016, à l’âge de 56 ans, et il me semblait indispensable à vous, lecteurs de Geek-Art +, de vous présenter humblement son travail.
Qu’avez-vous pensé de cet article ? N’hésitez pas à nous en parler dans les commentaires !