NOTE DE L’AUTEUR :
No Man’s Kingdom est une série de textes se situant chacun dans le même monde. Un épisode paraît toutes les deux semaines, illustré par le talentueux Ronan Toulhoat et écrit par votre serviteur, Thomas Olivri. Nous vous conseillons, si vous débutez dans cet univers, de commencer par l’épisode 1 de la saison 1. Pour cela, il vous suffit de cliquer sur “No Man’s Kingdom” dans le menu du haut de la page d’accueil. Chaque épisode se veut une histoire courte complète à lire en quelques minutes durant votre trajet de bus, de tram, en buvant un café. Ces épisodes se répondent ou se complètent, certains personnages ou lieux se retrouvent et se croisent... Le No Man’s Kingdom est un monde en constante évolution. N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires ici ou sur les réseaux et surtout à partager le projet autour de vous ! Bonne lecture !
Thomas Olivri
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Joris regardait les deux étrangers depuis une bonne heure. Ils avaient établi une espèce de campement dans les ruines d’un temple abandonné en fin d’après-midi, et n’avaient commencé à explorer ce dernier qu’à la tombée de la nuit. Le jeune garçon les suivait depuis des jours, ayant flairé le bon coup. En général, ce type de profil d’aventuriers ne laissait pas grand doute quant au but de leur mission. Équipés comme ils étaient, ils étaient sans doute des reliquiers. Agés comme ils l’étaient (Joris leur donnait au moins une trentaine d’années), ils étaient des vétérans, du genre qui ne se déplaçaient pas pour rien.
Il s’était donc mis en tête de les suivre dans leur périple à travers les grandes forêts du centre d’Europa, et à mettre à profit le bon moment pour les éliminer et récupérer leur butin. Les ainés du village allaient être fiers de lui. Qui sait ? Il rapporterait peut-être des armes célestes et un peu de nourriture. Cela faisait des semaines qu’il était parti, et il ne comptait pas rentrer les mains vides.
Mais il devait rester sur ses gardes. Des reliquiers vétérans, c’était bien souvent l’assurance d’un butin conséquent, mais ils n’étaient pas vétérans pour rien. Du haut de ses 20 ans, Joris, même s’il était un des meilleurs pisteurs de sa tribu, était loin d’être un guerrier du calibre de ces deux là. La femme se déplaçait comme un félin, l’homme devait être fort comme un boeuf. Impossible de les éliminer en combat singulier. Joris allait devoir être prudent.
Grâce à ses long-yeux, et malgré l’obscurité naissante, il avait repéré leur campement dans les ruines qu’ils avaient investies. Joris avait pu voir le grand pillard déplacer une tombe, découvrir un puit et s’y glisser avec la femme. Joris avait pu alors se déplacer sans bruit jusqu’au temple. Sur place, il hésita encore un peu. Ses longs yeux (1) sur la tête, il avait activé l’option de vision lunaire, qui lui permettait de distinguer les objets malgré la nuit. Il ne voulait pas risquer d’allumer une torche : les ruines étaient bien trop à découvert. Il s’approcha alors furtivement du sarcophage ouvert, dont la stèle gisait au sol, brisée. Une corde solidement arrimée à un arceau planté dans le sol descendait dans les ténèbres. Il prêta l’oreille, mais n’entendit aucun son sorti du puit. Les pillards devaient être en pleine exploration.
Rassuré par le fait que les pillards étaient loin sous terre, Joris se mit à fouiller le campement des deux aventuriers. A l’entrée du temple, deux chevaux attendaient patiemment en ruminant le retour de leurs deux cavaliers. Un butin facile à récupérer, mais Joris n’avait pas fait plus de deux semaines de planque pour se contenter de deux canassons. Autour du sarcophage, un feu de camp continuait de brûler, lui laissant assez de lumière pour voir autour de lui. Il ota ses long-yeux. Au sol, des restes de bancs en train de pourrir, des statues brisées, des vasques éparpillées, des poutres et des résidus de tuiles. Le temps avait eu le temps de transformer ce qui fut sans doute un temple bondé de fidèles dans les jours anciens en une ruine délabrée et ravagée par les éléments. Le toit s’était sans doute effondré des années auparavant. La grande tour, celle qui, le plus souvent, abritait l’immense cloche commune à tous les temples de ce type s’était effondrée elle aussi. Ses restes s’étalaient dans la forêt de pins alentours. Plusieurs sarcophages gisaient autour du premier, plus ou moins en bon état. Quelques os d’animaux sauvages traînaient ici et là : le temple avait dû servir d’abri à quelque prédateur. Mais tout le temple était recouvert de mousse, de broussailles et de végétaux de toutes sortes. La nature avait repris ses droits dans ce lieu autrefois sacré que plus un seul croyant ne foulerait jamais.
Joris regarda autour de lui. Par terre, quelques caisses de bois contenant du matériel d’escalade, des cordes, des mousquetons. Quelques bourses et sacs de cuir contenant des armes de poing, des onguents, des bandes de tissus. Un butin déjà intéressant, mais le jeune pisteur avait d’autres ambitions. Les sacs qui contenaient les objets de valeur devaient sans doute se trouver soit sur leurs épaules, soit au fond du puit. Logique. Aucun reliquier ne laisserait ses artefacts les plus précieux sans surveillance. Et puis, ils n’étaient pas descendus là dedans pour rien. Ce genre de temples abritaient souvent des objets de l’Ancien Monde, qui s’arrachaient à prix d’or sur les marchés parallèles. Il s’en tint alors à son plan initial. A savoir attendre le retour des aventuriers, les cueillir dès leur sortie du puit, les menacer de son arbalète, et leur faire déposer leurs trésors à terre. Il suffirait par la suite de les obliger à retourner dans le puit, de couper les cordes, et de les laisser trouver un moyen de sortir par eux-même. Joris ne souhaitait pas tuer de sang-froid, et ça lui semblait être un bon compromis. Même si, il en était conscient, les laisser au fond de ce trou sans vivres ni source de lumière revenait à une lente mais sûre condamnation à mort.
Joris s’accroupit alors dans l’ombre et attendit. Il avait attendu des semaines de traque, il pouvait attendre encore quelques heures. Il avait hâte de s’emparer de l’équipement des pillards. Ce qu’ils allaient découvrir au fond de ce trou devait sans doute aussi avoir de la valeur, et il comptait bien mettre également la main dessus. Tout ce qui lui restait à faire, c’était d’attendre que la corde qui disparaissait dans les ténèbres bouge. Il lui suffirait alors d’exiger d’eux leur butin et leur équipement, sans quoi il couperait la corde et refermerait le passage. Ce n’était certes pas le moyen le plus glorieux de gagner sa vie, mais le village comptait sur lui. Et puis il n’était pas contre un peu d’argent pour enfin mener la vie qu’il souhaitait mener. Ce n’était pas comme si ces deux pillards étaient des saints eux-mêmes. A la fois pour se rassurer, et pour penser à autre chose, Joris sortit une lame courte, qu’il se mit à aiguiser en fredonnant une chanson de sa région. Sa bonne conscience n’avait qu’à la fermer. Il avait faim, et sa famille aussi.
A aucun moment il ne vit ni n’entendit la créature qui s’était glissée derrière lui et qui se jeta sur lui dans le plus terrifiant des silences.
ANNEXE :
(1) Long-yeux : nom communément donné aux artefacts célestes faisant office de longue vue ou de lunettes de vision nocturne
Merci d’avoir lu cet épisode de No Man’s Kingdom ! S’il vous a plus, n’hésitez pas à laisser des commentaires ici ou sur les réseaux sociaux, et surtout à partager autour de vous. Rendez-vous très bientôt pour une nouvelle plongée dans le No Man’s Kingdom !
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