NOTE DE L’AUTEUR :
No Man’s Kingdom est une série de textes en épisodes se situant chacun dans le même monde. Un épisode paraît chaque semaine, illustré par le talentueux Ronan Toulhoat et écrit par votre serviteur, Thomas Olivri. Nous vous conseillons, si vous débutez dans cet univers, de commencer par l’épisode 1 de la saison 1. Pour cela, il vous suffit de taper sur l’onglet “No Man’s Kingdom” dans la barre du haut de la page d’accueil. Vous aurez alors accès à tous les épisodes, en commençant par le premier. Chaque épisode se veut une histoire courte “one shot”, à lire en quelques minutes durant votre trajet de bus, de tram, dans une file d’attente, en buvant un café… Mais si chaque épisode est un “one shot”, il prend sa place dans le même univers que les autres. Certains personnages ou lieux se retrouvent et se croisent. Le No Man’s Kingdom est un monde en constante évolution. N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires dans la section dédiée. Bonne lecture !
Thomas Olivri
Le soleil se couchait sur l’horizon.
Yusuf, casque à la main, regardait du haut des remparts d’Akka, comme tous les soirs depuis le siège débuté par le roi de Jérusalem Guy de Lusignan deux années auparavant. Cette immense armée franque, il le savait, ne tarderait pas à reprendre la ville. Saladin n’aura pas réussi à briser l’encerclement des armées de Henri II d'Angleterre et de Philippe Auguste, venues toutes deux en renfort du roi de Jérusalem. Demain, Yusuf fuirait cette ville que ces étrangers appellaient Saint Jean d’Acre, et qu’il aura protégé jusqu’au bout.
Devant lui s’étendaient, à perte de vue, les innombrables tentes et baraquements de ce qui était, du moins c’est ce qui se disait, la plus grande armée franque jamais réunie. “Grande”, cracha Yusuf pour lui-même. “Des infidèles sales, grossiers et vulgaires. Que vont-ils faire de ma ville lorsqu’ils l’auront reprise. Puisse le ciel les faire brûler, eux et leurs rois maudits”.
Il se retourna, amer, et pensa quitter les remparts afin d’aller prendre un peu de repos. La journée du lendemain serait longue, après tout. Du moins s’il survivait jusqu’au soir, ce qui était loin d’être gagné. Mais Yusuf prit encore le temps de contempler le sublime ciel que lui offrait Allah. A cette heure, il prenait une teinte incroyable. Le soleil à peine couché continuait d’éclairer l’horizon, tandis que le ciel avait pris une teinte bleue sombre et commençait déjà à dévoiler les premières étoiles du soir. “Une belle nuit pour mourir", se surprit à penser Yusuf en caressant la garde de son épée courbe, attachée à sa ceinture.
C’est alors qu’il la vit. Une traînée dans le ciel, d’un rouge flamboyant. Yusuf se figea, son esprit en état d’alerte face à un phénomène qui, il le savait bien, n’avait rien de naturel. Quelque chose était en train de se produire. En regardant de plus près, il se rendit compte que la traînée rouge se déplaçait rapidement, et s'apprêtait à percuter la terre de ses ancêtres, comme si elle tombait du ciel. Puis il vit une autre traînée, et encore une autre derrière elle. En quelques secondes à peine, le ciel était strié d’immenses zébrures écarlates, comme si une griffe gigantesque venait de déchirer le voile des cieux.
Yusuf se mit brutalement à genoux. “Les anges”, se dit-il. “Les anges d’Allah le Très Miséricordieux descendent des cieux pour nous aider à vaincre l’envahisseur !”.
Autour de lui, dans la ville, une clameur commençait à monter. Le phénomène n’était pas passé inaperçu. Des cloches se mirent à sonner du côté des francs. On entendait des cris, des pleurs. Une chape de plomb s’était posée sur Saint Jean d’Acre. Chrétiens et musulmans, tous retenaient leur souffle face à cette vision divine. Chaque camp pensait que Dieu se manifestait enfin pour venir à son secours.
Les traînées célestes se rapprochaient de plus en plus. A présent, Yusuf pouvait distinguer une vaste masse à l’avant de la plus proche, dont semblaient s’échapper tous les feux de la puissance divine. La lumière commençait à changer, à mesure que l’objet se rapprochait de plus en plus de la terre ferme. Au loin, il entendit des chevaux hennir de terreur, et d’un seul coup, le sourire béat qu’il affichait disparut de son visage.
Quand la chose toucha terre, à plusieurs kilomètres de la ville Sainte, il n’y eut tout d’abord aucun bruit. Aucun son. Comme si rien ne s’était produit, comme si la traînée rouge n’avait jamais existé, et que Yusuf allait bel et bien prendre du repos dans son baraquement, comme tous les soirs. Mais ce dernier instant de normalité fut pulvérisé par l’arrivée violente et soudaine d’un souffle surpuissant, qui balaya tout sur son passage. “Le souffle de Dieu ” eut juste le temps de penser Yusuf avant d’être projeté dans les airs pendant que les remparts sur lequel il était posté étaient pulvérisés par une force phénoménale.
Dans sa chute, qui lui semblait s’étirer dans le temps, il put voir Akka ainsi que le gigantesque campement des francs réduits à néant par cette vague, ce souffle divin, qui emportait tout avec lui : bâtiments, hommes, bêtes, tentes, bannières, matériel. Puis vint la lumière. Une lumière blanche, un flash aveuglant. La suite ne prit qu’une fraction de seconde, qui s’étira cependant durant une éternité dans les derniers instants de vie de Yusuf. Il distingua une boule de feu jaillir de la terre au loin, et grimper au firmament, au moment même où une tempête de chaleur et de flammes mit un terme à son existence, à celle de Saladin et de ses soldats, à celle de Henri II d'Angleterre et de Philippe Auguste, à celle de l’armée franque, à la ville de Saint Jean d’Acre, à tout le royaume de Jérusalem ainsi qu’à tout le monde connu.
Le 11 juillet 1192, les royaumes des hommes dans leur quasi-totalité furent balayés par un souffle rédempteur venu des cieux, et la face de la Terre en fut changée à tout jamais.
Ainsi se termine le premier chapitre de No Man’s Kingdom. Si il vous a plu, n’hésitez pas à poster vos commentaires ci-dessous ou sur les réseaux sociaux de Geek-Art ! Et rendez-vous vendredi prochain pour vos premiers pas dans les Nouveaux Royaumes… TO
CRÉDITS
Auteur - Créateur : Thomas Olivri
Illustrateur : Ronan Toulhoat
Graphiste No Man’s Kingdom : François Grenier